dimanche 30 novembre 2014

Une tentative d’approche méthodologique de l’explication des résultats du referendum par un non-spécialiste.



Les résultats du referendum ont surpris tout le monde, aussi bien les partisans que les antagonistes de la fusion. Néanmoins, le score de 76 % de « non » a laissé plus d’un pantois. Des personnes de tous bords se posent des questions. Mais un simple « oui » ou « non » ne permettent pas de fournir des réponses explicatives, mêmes brutes. Une première approche ne peut consister qu’à tâter le terrain d’une manière intuitive, tout en se laissant guider par quelques approches méthodologiques (recherchées d’une manière contingente).

Toutes sortes d’explications ont été énoncées, mais la démarche ne peut rester à ce stade que  spéculative sinon justifiante ou même « excusante » (sur un plan personnel) selon la position de l’interlocuteur et  des enjeux personnels.

D’une certaine manière et du point de vue de la politique communale, on pourrait aussi catégoriser les explications selon des critères endogènes et exogènes. Une explication endogène de refus d’une fusion pourrait consister par exemple dans le cas où certains comportements des politiciens ne seraient pas acceptés par les citoyens. Un tel cas de cette figure pourrait être traduit par exemple par un manque de politique sérieuse de participation citoyenne, démarche pourtant revendiquée par la population. Un facteur exogène pourrait consister, à titre d’illustration, dans les contraintes d’un plan sectoriel logement imposées par l’État  aux communes, sans possibilité de recours par les autorités politiques communales. Il peut exister évidemment des situations mixtes où des facteurs endogènes et exogènes sont mélangés. Ainsi, si le ministère de l’éducation impose un contingentement des heures d’enseignants selon le volume des classes (= facteur exogène par rapport à la politique communale), la commune met sur pied l’organisation scolaire et vote les enseignants (= facteur endogène). Dans ce sens, on ne pourrait pas vraiment tenir rigueur à la politique communale en ce qui concerne  les facteurs purement exogènes. Néanmoins, la politique est entièrement responsable (facteur endogène) des décisions relevant de l’autonomie communale, comme par exemple la décision d’implanter une ZAE sur son territoire, le choix de l’endroit étant une deuxième phase relevant en partie de facteurs exogènes (dont les plans sectoriels).

Ces aspects jouent certainement un rôle dans le cas du referendum, notamment en fonction de l’importance accordée aux objets engagés (par exemple l’organisation scolaire ou l’investissement communal dans des infrastructures), des sensibilités personnelles des citoyens à l’égard de ces objets qui sont finalement le résultat des politiques communales déjà mises en œuvre ou mises en perspective.

La fusion relève donc à la fois de facteurs endogènes et exogènes. Ainsi, la position des responsables communaux d’une des 3  communes (par exemple de Fischbach) à l’égard de la fusion peut être considérée comme un facteur endogène. La position des bourgmestres des 2 autres communes (de Nommern et de Larochette) peut être considérée à ce moment comme facteur exogène par rapport à la commune de Fischbach. Une responsable politique de Fischbach semble avoir dit (si ce n’est pas le cas, considérez l’énoncé ci-après comme hypothèse de travail) qu’elle avait recueilli beaucoup de suffrages en 2011, tout en étant connu pour sa position pro-fusion. Elle ne peut comprendre, dans ce sens, que le score du referendum ait été en contradiction avec ses suffrages personnels. Si cet argument semble raisonnable à un premier degré, il souffre cependant de certaines lacunes. D’abord, en 2011, la fusion n’était pas un sujet de prédilection, les travaux politiques dans le cadre de la fusion n’ayant vraiment redémarré (selon certains dires) qu’en 2012 après que les 3 bourgmestres aient été convoqués par le Ministre de l’Intérieur de l’époque et après que la commune de Nommern se soit de nouveau ralliée aux discussions. Par ailleurs, un bourgmestre n’est pas réélu en tant qu’ancien bourgmestre, mais comme conseiller qui peut éventuellement être proposé/nommé comme bourgmestre par après. Il semble en plus peu probable qu’un candidat politique soit réélu pour sa seule position pro-fusion. Il a été vraisemblablement (ré)élu pour d’autres qualités, ce qui explique aussi l’attitude de certains électeurs qui ne dénient pas que la politique a fait du bon travail, en-dehors du processus plutôt raté de la fusion. Cet exemple doit rendre tout simplement attentif à la nécessité de creuser les explications et de ne pas se confiner à un premier degré d’explication.

Ce cas de figure théorique rend d’ailleurs attentif à un jeu politique potentiellement beaucoup plus complexe. Selon certaines apparences, on aurait pu croire que seuls les 3 bourgmestres étaient les « chevaux qui tiraient la charrette de la fusion ». Mais une matrice théorique d’analyse montre qu’un jeu de forces politiques sous-jacents était aussi possible, la position des bourgmestres n’étant que la « pointe de l’iceberg ». Mais il est fort possible que les bourgmestres aient dominé le débat par leurs démarches en l’orientant dans le sens voulu.
 

Matrice théorique :


Supposons encore que les conseils communaux des 3 communes auraient fait un pré-referendum interne anonyme au sujet de la fusion. La matrice théorique précédente permet d’entrevoir que beaucoup de cas sont possibles. Un tel referendum anonyme aurait permis d’éliminer les pressions se jouant au niveau des interrelations entre les membres du conseil communal. Un système électoral majoritaire est par définition basé sur un jeu de forces entre personnes.

Inventons une constellation des scores :

Un tel score interne, sans parler en plus des résultats peu tranchés lors de l’enquête de 2009, aurait-il conduit les politiciens à proposer un referendum à la population. Si un tel referendum avait eu effectivement lieu quand même, malgré ce score ambigu au niveau purement politique, quelles auraient été les incidences sur un referendum de la population si celle-ci avait connu le résultat de ce pré-referendum interne. Ce petit jeu théorique purement virtuel amène une autre question : Une fusion est-elle l’affaire des bourgmestres, des collèges échevinaux, des conseils communaux ou de la population ? En fonction de la conclusion, quelle serait la bonne marche à suivre dans le cycle de vie d’un processus de fusion, de l’idée même de fusion jusqu’à sa finalisation (en cas de referendum positif)?


L’issue du referendum est redevable d’un ensemble de raisons et ne peut être réduite à une seule cause. Il ne peut s’agir que d’un faisceau de causes qui se sont agglomérées par un amalgame de causes individuelles, du moins surprenant dans son envergure en ce qui concerne la commune de Fischbach à l’issue du referendum.

Si un « non » majoritaire était possible, un « oui » de justesse ne pouvait être exclu. Même un « oui » plus affirmé était aussi réaliste.

L’après-referendum soulève donc beaucoup de questions.

Il est possible qu’une seule raison ait suffit à certains électeurs pour orienter leur vote et que cette raison ait été suffisante pour prendre position par rapport à la fusion, dans un sens ou dans l’autre. Ainsi, il n’est pas exclu qu’un des parents ait opté pour un refus de la fusion parce qu’il voulait augmenter les chances que l’organisation scolaire reste confinée dans sa commune actuelle. Il se peut aussi qu’un habitant ait voté contre la fusion parce qu’il voulait augmenter les chances qu’aucune ZAE ne soit implantée à Angelsberg.

Mais il se peut aussi au contraire, qu’un électeur ait voté pour la fusion en se ralliant au lieu commun qu’une commune plus grande permet de dégager automatiquement des synergies, encore que cet énoncé ne soit nullement prouvé et maintes fois contredit par la réalité sur le terrain. Des synergies sont rarement automatiques et nécessitent en principe un long travail de bénédictin sur le terrain, sur base de méthodologies éprouvées.

Une autre raison, évidemment hypothétique à ce stade de réflexion, pourrait consister dans le rejet à long terme (après la deuxième période transitoire) d’un système électoral proportionnel dominé par un parti conservatoire (extrapolation des dernières élections nationales) associé peut-être à la prédominance d’une ancienne commune avec un caractère plus citadin par rapport aux 2 autres communes plus typiquement agricoles.

Il se peut aussi qu’un électeur ait un nombre restreint de raisons suffisantes pour voter contre la fusion : organisation scolaire + ZAE + qualité de vie dans une petite commune rurale conviviale  + autres raisons.

Mais il est tout aussi possible qu’un électeur ait examiné aussi objectivement que possible (à ses yeux) tous les avantages et désavantages potentiels d’une fusion sur base d’un brainstorming personnel et que les désavantages aient eu plus de poids à ses yeux (voir modèle de la  grille d’évaluation publié sur le blog). Le contraire était tout aussi  possible, sinon même probablement aussi réel, mais dans une moindre mesure si on considère le score du referendum (24 % de oui seulement).

Les raisons peuvent donc être multiples.

Si la (les) cause(s) évoquée(s) semble(nt) plausible(s) pour l’antagoniste de la fusion, puisqu’il avait sa(ses)raison(s) pour son « non », tel n’est pas nécessairement le cas pour le partisan. Encore se peut-il que le « non »  lui soit partiellement compréhensible s’il a examiné les avantages et désavantages d’une fusion et s’il  a jugé que les avantages prévalaient dans leur ensemble. Une telle approche lui aura au moins permis de se rendre compte qu’il n’y a pas que des avantages lors d’une fusion. Mais il est aussi théoriquement possible qu’un antagoniste se soit penché exactement sur les mêmes avantages et désavantages qu’un partisan, mais qu’il ait pondéré autrement leurs poids parce qu’il a trouvé les arguments contre une fusion plus lourds et plus pertinents dans leur ensemble. Tout revient à une affaire de préférences personnelles, chacun ayant ses propres filtres pour juger de la situation.

Mais il se peut aussi que quelques constats personnels au niveau du contexte communal conduisent à une ou plusieurs raisons d’un niveau plus synthétique. Par exemple, le citoyen ne se sent pas suffisamment informé parce les responsables politiques n’ont pas présenté un modèle convaincant d’une future commune de fusion et parce qu’ils n’ont pas répondu à certaines questions précises. L’électeur peut « agglomérer » ces constats dans les réflexions suivantes : Les responsables ne se sont pas donné la peine, à ce stade, d’élaborer un tel modèle de la future commune et vendent du « vent » au citoyen.  Ceci pourrait aussi conduire à l’induction d’un manque de confiance dans les compétences de gestion des responsables communaux de la future commune de fusion (si c’étaient encore les mêmes en 2018 qu’aujourd’hui). Ou encore, le citoyen pense  qu’un tel modèle existe bel bien mais que les responsables politiques actuels ne veulent pas le divulguer parce qu’il serait peut-être défavorable à une issue positive du referendum. La réflexion sous-jacente serait qu’il y a « anguille sous roche », conduisant de nouveau au constat d’un manque de confiance. Ou le citoyen peut encore penser que les politiciens sont incapables d’élaborer un tel modèle (ce qui est la raison de ne pas en avoir élaboré un et par conséquent de ne pas pouvoir en présenter un au moment du referendum), ce qui ne laisse présager rien de bon pour le futur (en ce qui concerne les compétences nécessaires des politiciens en 2018) pour la gestion d’une future commune de fusion (« vom Regen in die Traufe »). Ces réflexions ne sont évidemment que des conjectures théoriques pour montrer qu’il peut y avoir des mécanismes psychologiques sous-jacents bien complexes. Mais ces mécanismes peuvent jouer aussi bien dans le sens contraire, en faveur d’une fusion.

La vie communale se joue sur bien des plans.

La situation avant le referendum :


  • Un citoyen a aujourd’hui des attentes /demandes vis-à-vis de la politique. Ces exigences sont plus ou moins satisfaites, soit à un niveau supportable, soit à un haut niveau. Le politicien veille, dans la mesure du possible et du raisonnable, à satisfaire les attentes et demandes du citoyen si elles sont légitimes. Dans ce cas, la politique se trouve dans une attitude d’écoute de ses citoyens (« bottum-up »).
  • Cependant, le politicien peut aussi réaliser des objets sociaux qui n’ont pas été sollicités par le citoyen. Le citoyen va juger de l’utilité/nécessité et qualité de cette offre. Dans ce cas de figure, la politique adopte une attitude « top-down », le citoyen  « subissant » plutôt une décision politique avec toutes ses conséquences.
  • Un citoyen va peut-être aussi formuler des attentes/demandes à réaliser dans le futur. La  politique va évaluer la légitimité et l’utilité de ces exigences et, selon le résultat de ces réflexions, va les réaliser dans une certaine mesure ou totalement.
Selon l’état d’avancement de ces actions ou du refus politique d’en entamer certaines, le citoyen est plus ou moins satisfait du travail de la politique ou, au contraire, plus ou moins déçu.

Le citoyen va donc se créer une certaine image de la politique actuelle en fonction de ces jeux politiques et va véhiculer cette image comme input dans le contexte des discussions d’une potentielle fusion en faisant un certain nombre de constats personnels :

    • La politique a agi raisonnablement (ou non)
    • La politique a agi en bon père de famille (ou non)
    • La politique a été à l’écoute du citoyen (ou non)
    • Le citoyen peut estimer faire confiance à la politique (ou non)
    • Le citoyen attribue une crédibilité suffisante aux politiciens à moyen et long terme (ou non)
    • La politique a une attitude prévoyante et prend les mesures nécessaires (ou non)
    • Etc.
La situation autour du referendum dans le contexte de la fusion :

Le citoyen va donc importer son vécu et son image de sa commune de résidence dans les considérations sur l’opportunité d’une fusion. Il va devoir juger si une fusion lui apporte des plus-values en termes de qualité de vie ou non. Il va aussi analyser dans quelle mesure une fusion va lui apporter des désavantages par rapport à la situation actuelle et quelle sera l’ampleur des conséquences de ces désavantages au niveau de sa propre personne. Il devra par ailleurs comparer les plus-values et les désavantages pour voir quelle tendance va prédominer lors de son vote. Pour ces raisons, il ne pourra s’appuyer que sur les promesses faites par la politique en ce qui concerne la future commune de fusion. Ces promesses devront donc  avoir un contenu convaincant. Le citoyen va en plus évaluer dans quelle mesure il peut faire confiance aux politiciens pour la réalisation de ces promesses (en comparant et extrapolant dans ce cadre leurs comportements adoptés dans le passé). Mais il va aussi évaluer dans quelle mesure ces promesses politiques sont réalistes et opportunes et  dans quelle mesure il estime les compétences des politiciens suffisantes pour relever ces nouveaux défis. Chaque citoyen le fait à sa manière parce que tous les citoyens ne peuvent pas être pressés dans un moule unique car différant fortement entre eux en ce qui concerne leur personnalité, leur situation personnelle dans l’environnement communal ainsi que leurs attentes actuelles et futures envers la politique communale.

Si le résultat du referendum est un simple « oui » ou « non », le chemin pour ce résultat est donc fort complexe au niveau de chaque individu, mais aussi au niveau de l’agglomération des attitudes individuelles pour parvenir à un tel résultat global en noir et blanc (c’est un oui ou un non). On va essayer ci-après de faire un inventaire de certaines propriétés (inventaire qui est loin d’être exhaustif) pour montre la complexité de la constitution du résultat du vote. Le but est évidemment de montrer qu’on ne peut soumettre le résultat à quelques raisons simples et réductionnistes (xénophobie, ZAE et qualité de vie, organisation scolaire, etc.).

Ceci nous conduit donc à un autre aspect de l’analyse des résultats, à savoir les données démographiques des électeurs dans leur ensemble, mais aussi les caractéristiques psycho-socio-professionnelles des électeurs sur le plan individuel et de groupes sociaux de toutes sortes. Un agriculteur de Nommern ou de Fischbach voit probablement la fusion d’un autre œil qu’un épicier de Larochette, chacun pour des intérêts, attentes et raisons personnelles différentes. Les attentes envers la commune, actuelle ou fusionnée en perspective, sont très variées pour chaque électeur et conditionnent sa position en ce qui concerne une future fusion potentielle.

Il est donc utile de faire au moins un embryon d’inventaire des variables explicatives possibles des résultats d’un vote, sachant que cet inventaire ne peut être exhaustif car fondé sur une base plutôt intuitive. Cet inventaire est aussi bien théorique que spéculatif sur base des discussions autour de la fusion. Mais seule une analyse scientifique par des spécialistes pourrait donner une explication tant soit peu plausible avec une certaine probabilité d’une interprétation correcte.

L’exercice est quand même utile pour bien des raisons et permettra  peut-être à certaines personnes de trouver un embryon de réponse à leur questionnement. Mais comme le score du referendum semble même assez surprenant sur un plan national par rapport à d’autres fusions communales déjà réalisées, il pourrait être utile que le département politique de l’Université de Luxembourg fasse une recherche à ce sujet. Une approche possible pourrait consister dans une enquête qualitative basée sur les données démographiques et socioprofessionnelles  ainsi que sur les sujets et sensibilités autour de la fusion, en posant évidemment les bonnes questions (ce qui est une affaire de spécialistesen la matière et ce qui n’est pas évident a priori).

La catégorisation des variables n’a aucune prétention d’être scientifique, mais est issue des réflexions (élucubrations) d’un électeur qui essaie d’ordonner ses pensées pour trouver des réponses tant soit peu plausibles, en ayant recherché cependant une certaine inspiration sur base des données méthodologiques recueillies sur Internet. Cette tentative a aussi pour but de contrecarrer peut-être une tendance réductionniste (faisant un peu partie de la nature humaine et correspondant dans une certaine mesure au précepte de gestion KISS  =keep it simple, stupid = ne complique pas les choses : cependant, les choses sont rarement simples et les gens ne sont pas stupides) dans une tentative d’explication ou de justification personnelle, cette dernière évitant ainsi de se mettre soi-même en cause, du moins partiellement. On a en effet l’impression, peut-être à tort, que ce dernier cas semble être actuellement assez présent au niveau de certaines personnes. Mais ces réflexions méthodologiques devraient aussi inciter la politique à faire une (petite) introspection sur le plan individuel et de ne pas sauter sur les premières explications exogènes réductionnistes présentées dans les  éditoriaux de certains quotidiens, les mettant d’office hors cause sur le plan personnel dans la constitution du résultat. Il ne faut pas oublier que la fusion a été en quelque sorte « personnifiée » par les 3 bourgmestres et que leurs attitudes, comportements, agissements, promesses et politique d’information ont eu certainement des incidences/conséquences sur le vote.

Dans ce dernier contexte, il faut peut-être aussi soulever une autre hypothèse de travail possible. Le citoyen, en dehors des démarches administratives normales, peut se trouver dans des situations plus délicates, nécessitant éventuellement une discussion avec les responsables communaux et pouvant aboutir à un conflit (par exemple dans des interprétations du règlement de bâtisses ou autres aspects). Si les autorités politiques sont obligées de trancher parce que le contexte légal n’est pas très clair (autrement il n’y aurait pas de jurisprudence), le citoyen peut éventuellement considérer la décision politique comme injuste et/ou inéquitable par rapport à certaines décisions concernant d’autres citoyens s’étant trouvés dans une situation analogue. Cette décision est en quelque sorte personnifiée par le collège échevinal ou même par le bourgmestre tout seul (dans le contexte de la police des bâtisses par exemple). Ce genre de situations pourrait aussi expliquer une partie du score. En effet, on ne peut pas supposer que ce genre de décisions politiques ait été toujours pris en toute harmonie. Il est plus probable qu’une des parties, souvent le citoyen,  se sente un peu plus lésée que l’autre. Pour autant que ce genre de situations ait été assez fréquent dans le passé, ce fait pourrait avoir eu une influence sur le score du referendum, quel que soit la légitimité de la décision politique. Finalement, ce qui entre en jeu est le (res)sentiment subjectif du citoyen, même s’il a eu éventuellement tort sur le fond de l’affaire, ce qui n’est  cependant pas nécessairement le cas. Mais le citoyen est d’autant plus sensible à ce genre de situations s’il juge avoir éré traité injustement.

À l’inverse, on ne peut rejeter a priori et de manière générale, le fait que certains citoyens n’excluent pas  l’hypothèse qu’un clientélisme politique, même partiel, afin de satisfaire certains citoyens d’une manière privilégiée, en appliquant peut-être avec moins de rigueur certains règlements. Les quotidiens (et le « Nol op de Kapp) ne font cependant pas de cadeau à la politique s’ils croient découvrir de tels cas. Cependant, si un tel clientélisme était d’un usage courant et régulier, la commune concernée serait tombé depuis longtemps dans l’anarchie car les règlements normaux ne seraient plus respectés. Par ailleurs, il y aurait toujours de bonnes âmes attentives (pas à tort si tel était le cas) pour relever publiquement ces dérapages. Cependant  ce genre de sentiments pourrait aussi avoir joué dans les considérations de fusion.

L’ensemble des caractéristiques individuelles d’une personne, contribuant à façonner dans une certaine mesure sa personnalité, peuvent prendre, dans le cas du vote, un certain sens en fonction de ses attentes envers la commune et en fonction des futures promesses que la commune formule à l’égard de ses citoyens. Ainsi, une famille, ayant à charge des enfants en âge de scolarisation, évalue tout autrement les énoncés au sujet de l’organisation scolaire qu’une personne âgée qui n’a jamais eu d’enfants. Par contre, une personne âgée, handicapée dans une certaine mesure et vivant tout seule dans sa propre maison, sera beaucoup plus sensible aux aménagements publics concernant certains handicaps et aux services offerts aux seniors par la commune. Aussi un débat autour des places de jeux publics va probablement peu intéresser cette personne. Une enseignante habitant la commune de Fischbach et ayant des enfants en âge de scolarisation évalue les plus-values d’une fusion autrement que le patron d’une PME implantée dans la commune et voulant développer ses affaires. Pour l’épicier de Larochette, la situation d’une fusion communale est probablement différente par rapport à un gros exploitant agricole (dont la succession serait en plus assurée).

En fonction de ses caractéristiques, une personne peut aussi poser des exigences environnementales (sujet de plus en plus préoccupant) à sa commune et juger dans quelle mesure sa commune actuelle ou une commune de fusion peut satisfaire ses attentes par la politique mise en œuvre. Ainsi, un habitant de la commune de Fischbach peut désirer une commune rurale calme, sans trop de trafic (dangers de circulation minimisés) parce qu’il veut pouvoir jouir en compagnie de ses enfants d’une nature intacte sans nuisances au point de vue écologique. L’hôtelier de la commune de Larochette au contraire cherche à attirer un maximum de touristes, engendrant un surplus de trafic, afin d’avoir un taux d’occupation viable pour son établissement.


Les variables ayant pu avoir influencé les électeurs pourraient être déclinées de la manière suivante :

Variables démographiques individuelles, dont aussi socio-professionnelles

  • Âge
  • Stade du parcours de vie citoyen :
a.       En scolarisation
b.      Actif
c.       Retraité
d.      Autre ?

  • genre (sexe)
  • religion
a.       pratiquant / non pratiquant
b.      athée / agnostique
  • statut marital : marié / divorcé / en instance de divorce ou de séparation / couple sans être marié /autre
  • bien-être économique / revenu
  • composition du ménage / Charge :
a.       D’enfants
                                                               i.      Avant-primaire
                                                             ii.      Primaire
                                                            iii.      Post-primaire
                                                           iv.      Autres ?, comme par exemple un enfant adulte en chômage
b.      D’autres personnes
                                                               i.      Parents
                                                             ii.      Autres membres de la famille
                                                            iii.      Ami en détresse
                                                           iv.      Etc.
  •  classe sociale, pour autant que cette notion ait gardé un certain sens de nos jours
  • Nationalité
a.       Autochtone de souche
b.      Luxembourgeois naturalisé
c.       Étranger/immigré (européen ou non-européen) et/ou demandeur d’asyle
d.      Autre ?, par exemple apatride
  • Statut d’actif /d’inactif : Salarié / indépendant / employeur / chômeur / rentier vivant des fruits de son patrimoine / retraité / conjoint qui ne travaille pas pour pouvoir prendre en charge l’éducation de ses enfants / autres ?
  • Formation scolaire en cours, facteur concernant notamment les élèves plus âgés (droit de vote à 16 ans ?) et les étudiants en principe majeurs, ces catégories ayant peut-être un certain intérêt pour les affaires communales
  • Propriétaire du logement / location de l’habitation (un habitant en location est probablement moins lié à sa commune de résidence qu’un propriétaire)
  • Durée de résidence dans la commune, encore que la fixation de catégories de durée soit plutôt aléatoire. Cette variable peut être à la base d’un sentiment d’appartenance / d’identification  plus ou moins fort :
a.       Habitant de souche (habitant né dans la commune et ayant toujours vécu jusqu’ici dans la commune)
b.      Résidence assez longue dans la commune (10, 20. 30 ans ou même plus)
c.       Résidence plus récente : moins de 5 ans ?
  • Tendance / adhérence politique
  • Autres

Variables concernant la commune de résidence :

  • Variables géographiques
a.       Prépondérance rurale ou plutôt citadine
b.      Ressources naturelles disponibles
c.       Liaisons routières convenables en bon état
d.      Surcharge (ou non) du trafic
e.      Transport public adéquat
f.        Contexte géographique permettant une qualité de vie
g.       (Naturpark Mëllerdall)
h.      Configuration géologique  (plateaux, forêts, vallées, etc.)
i.         Situation urbanistique dans la commune
j.        Etc.

  • Variables environnementales
a.       Air peu pollué (ou non)
b.      Eau potable de qualité (ou non)
c.       Bruit (ou non)
d.      Nature intacte et accessible aux visiteurs (ou non)
e.      Exploitations agricoles préservant la nature (ou non)
f.        Diversité biologique (ou non)
g.       Biotopes préservés (ou non)
h.      (Naturpark Mëllerdall)
i.         Promotion et support des énergies renouvelables (ou non)
j.        Conseils écologiques (ou non)
k.       Veille / suivi écologique par les autorités communales
l.         Autres

  • Variables économiques
a.       Situation financière de la commune à court, moyen et long terme (dette actuelle, réserves financières, projets et dépenses financières à moyen et long terme, perspectives de recettes, etc.)
b.      Développement économique avec une bonne intégration des entreprises dans le tissu communal
c.       Potentiel et projets pour augmenter les activités économiques sans nuire à la qualité de vie des citoyens
d.      Demandes des entreprises implantées sur le territoire communale dans le contexte du potentiel de développement de leurs activités économiques et la pertinence de cette demande en fonction des offres des communes limitrophes
e.      (Naturpark Mëllerdall)
f.        autres

  • Variables culturelles
a.       Vie associative riche
b.      Offre des événements culturels
c.       Offre sportive
d.      Offre de loisirs
e.      Mixité culturelle et intégration des différentes nationalités
f.        Qualité de l’offre des locaux communaux à disposition du citoyen (locaux pour jouer au théâtre, local de rencontre informel, etc.)
g.       (Naturpark Mëllerdall)
h.      autres

  • Variables politiques / communales /satisfaction des attentes du citoyen
a.       Système électoral (actuel et potentiellement futur)
b.      Adhérence politique éventuelle de l’électeur
c.       Degré de participation citoyenne
d.      Politique d’information du citoyen
e.      Horaires d’ouverture des guichets
f.        Qualité des services communaux offerts
g.       Equité, égalité de traitement du citoyen (par exemple dans le cadre du PAG/PAP, autorisations de bâtir, etc.)
h.      Règlements communaux convenables dont le  règlement des bâtisses, etc.
i.         Sécurité routière
j.        Protection du citoyen / prévention criminalité
k.       Offre et organisation scolaire, qualité de l’enseignement et prise en charge des enfants
l.         (Naturpark Mëllerdall)
m.    autres

  • Equipements / infrastructures communales
a.       Eau potable de qualité (installations de traitement, zones de protection) / sécurité de distribution
b.      Niveau des impôts et taxes communales convenable
c.       Réseaux de qualité (eau, électricité, canalisation, réseaux de communication, etc.)
d.      Degré de qualité de l’entretien des chemins et surfaces vertes communales
e.      Infrastructures accessibles aux handicapés et seniors
f.        autres

  • Autres variables ?
Toutes les variables retenues dans le cadre de l’analyse, pouvant et devant être combinés dans des clusters significatifs, pourraient être représentées dans une matrice multidimensionnelle finalement plutôt complexe.

Sur base de l'énumération de ces variables, on pourrait "construire" à titre d'exemple un électeur fictif et se demander dans quelle mesure son profil va influencer son vote.

Le profil de cet électeur virtuel pourrait être le suivant : 38 ans, actif et salarié dans une banque, de sexe masculin, athé, en instance de divorce, revenu assez élevé, un enfant dans le précoce et 2 autres dans le primaire, de nationalité française, habite dans sa propre maison (unifamiliale) depuis 5 ans, tendance démocrate, dispose d'une voiture pour aller travailler, préfère un cadre de vie rurale calme, a un certain souci écologique dans son mode de vie, ne s'intéresse pas à la situation financière de la commune, dispose de peu de temps pour s'investir dans la vie culturelle et politique.

Objets communaux mis en cause dans les discussions / événements autour de la fusion

1.       Objets traités autour des « workshops (sujets définis par la politique)
a.       Agriculture
b.      Forêts
c.       Protection de la nature
d.      Développement économique
e.      Aménagement communal
f.        Mobilité
g.       Vie sociale
h.      éducation
i.         Vie associative et culturelle

2.       Objectifs/offre  des responsables politiques dans le cadre de la fusion (argumentation du dépliant distribué par les autorités communales)
a.       Promesse d’efficacité des services communaux proches du citoyen
b.      Promesses d’infrastructures modernes pour l’école, les sports et les services communaux
c.       sécurité d'approvisionnement en eau potable;
d.      développement économique en accord avec l'environnement et les ressources naturelles
e.      préservation de l'attrait de notre région pour les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les commerces et les services (banques, postes, etc.)
f.        promotion d'un tourisme de qualité;
g.       nouveau concept pour la commercialisation de produits régionaux;
h.      développement de concepts d'urbanisation communs, adaptés à l'environnement rural
i.         concepts et initiatives tendant à réduire le trafic;
j.        diversité culturelle.

Signalons que ces objectifs sont aussi valables en dehors de toute considération de fusion et qu’il ne faut pas attendre une fusion pour travailler à leur réalisation. Si les responsables attendent une fusion pour mettre en œuvre les moyens pour leur réalisation, ils n’ont pas géré leur commune en « bon père de famille » (attitude réactive en fonction des situations de gestion) et d’une manière prévoyante (attitude proactive en étant sensible aux changements potentiels) .

Une autre approche heuristique, cependant mineure, pourrait consister dans l’analyse des consultations du blog du groupe de réflexion.

Ce blog comporte 51 articles, en dehors des onglets méthodologiques et explicatifs (partie « orange »).

Les articles ont été consultés 2549 fois. Encore faut-il insister sur le fait que les articles rédigés en réaction aux publications des medias ont été consultés 897 fois, ce qui fait 35 % des consultations. Il faut encore relever que 4 de ces articles ont été mis sur le blog après le referendum. Les plus grandes réactions ont été suscitées par l’article de Charles Kieffer dans le Wort, paru après le referendum.

Le record absolu (353 consultations) a été détenu par l’article (en septembre 2014, donc avant le referendum) concernant un commentaire au sujet de la conférence de presse des bourgmestres  du 12 septembre 2014.

Les articles de fonds ont été donc consultés 1652 fois (65 %), ce qui fait en moyenne 38 consultations par article. Si on considère que le blog a été consulté par des citoyens de la commune de Fischbach, (pas tous nécessairement électeurs) et par des lecteurs ne résidant pas dans la commune de Fischbach, on peut considérer que le blog n’a pas vraiment pu contribuer au raz-de marée du score négatif. Il faudra chercher les explications du score plutôt au niveau du « vécu public » autour des discussions concernant la fusion. Par ordre descendant en importance, les articles essentiellement consultés ont été les suivants :


  •  Les conditions de travail du personnel communal : quid en cas de fusion ?
  • PAGs : parties graphiques selon disponibilités
  • ZAE d'Angelsberg, incidences possibles de considérations / décision du conseil communal de Mersch du 6 octobre 2014
  • L'agriculture dans les 3 communes Filano : quid en cas de fusion ?
  • Les syndicats de commune : quid en cas de fusion ?
  • Analyse des arguments de la politique pour une fusion : Concerne le website de promotion de la fusion FILANO
  • La gestion des forêts : quid en cas de fusion ?
  • Vie associative : quid en cas de fusion ?
  • Déi sougenannten Protestbeweegung (Informatiounsversammlung an der Gemeng Fëschbech)
  • La démarche politicienne dans le cadre de la fusion : analyse des phénomènes et non-événements
  • Et geet elo duer, a méi wéi engem Sënn (article publié après le referendum)
  • Een retrograden Hops no hannen virun den Referendum (article publié après le referendum).

Il faut cependant rappeler que la plupart de ces articles ont été publiés plutôt récemment, plus proche du referendum.

Voici le classement complet  des articles :





Si on analyse les sujets par ordre décroissant de leur consultation, cette liste se lit sommairement comme suit : rejet xénophobie (après referendum) – PAG – ZAE – agriculture – syndicats communaux – forêts – vie associative –participation citoyenne – géologie et géothermie – circuits touristiques –- développement économique –systèmes électoraux – population communale  - enseignement – taxes et indemnités –logement – patrimoine communal – eau potable – situation financière des communes – démarches administratives - impôt foncier et commercial – commissions consultatives.

Il faut d’ailleurs relever que l’usage des commentaires par les lecteurs du blog était quasi-existant. Cette situation soulève aussi des questions, notamment s’il y avait peut-être un certain manque d’intérêt des citoyens-lecteurs (pour autant qu’ils connaissaient le site) pour un débat approfondi sur la question. Il est cependant aussi possible probable que le blog comme support ne leur convenait pas. Mais il se peut aussi que certains ont jugé le blog tout simplement  inutile.

Les consultations des onglets, par ordre décroissant, ont été les suivantes :





A chacun de tirer ses propres conclusions en ce qui concerne la consultation des onglets.

Conclusion :

D’une manière générale, on voit que cette énumération des facteurs explicatifs possibles à partir de ces différentes sources, n’est certainement pas exhaustive du point de vue méthodologique pour une analyse scientifique. Elle permet cependant d’entrevoir des amalgames possibles plus ou moins étoffés et très diversifiés comme base des explications des résultats du vote du referendum.

Ce n’est pas avec  des explications réductionnistes du score du referendum que la qualité de la politique communale va augmenter après le referendum.

Réduire les explications autour de l’école centrale, de la xénophobie, de  la ZAE d’Angelsberg et de quelques autres aspects me semble une approche explicative appauvrissante, indigne des acteurs de la politique et de certains journalistes, ces derniers n’ayant probablement pas approfondi le contexte par les recherches professionnelles nécessaires  qui s’imposent normalement dans ce métier. Certains n’ont manifestement pas respecté les préceptes déontologiques de leur métier.

Mais on pourrait aussi considérer, en attendant une analyse explicative approfondie des résultats du referendum par des spécialistes, que le surgissement et la mise en évidence de certains facteurs latents, jamais discutés jusqu’à récemment (réunions d’informations des citoyens) constituent une aubaine pour faire redémarrer la vie communale à un autre niveau. Mais pour cela, il faudrait que tous les acteurs soient de bonne composition et que les responsables politiques ne se retranchent pas dans une certaine hostilité.

On ne peut que recommander la lecture de l’ouvrage de Rolf Dobelli : « Die Kunst des klaren Denkens : 52 Denkfehler die Sie besser anderen überlassen ».