Les résultats du referendum ont surpris tout le monde, aussi
bien les partisans que les antagonistes de la fusion. Néanmoins, le score de 76
% de « non » a laissé plus d’un pantois. Des personnes de tous bords
se posent des questions. Mais un simple « oui » ou « non »
ne permettent pas de fournir des réponses explicatives, mêmes brutes. Une
première approche ne peut consister qu’à tâter le terrain d’une manière
intuitive, tout en se laissant guider par quelques approches méthodologiques (recherchées
d’une manière contingente).
Toutes sortes d’explications ont été énoncées, mais la
démarche ne peut rester à ce stade que spéculative sinon justifiante ou même « excusante »
(sur un plan personnel) selon la position de l’interlocuteur et des enjeux personnels.
D’une certaine manière et du point de vue de la politique
communale, on pourrait aussi catégoriser les explications selon des critères
endogènes et exogènes. Une explication endogène de refus d’une fusion pourrait consister
par exemple dans le cas où certains comportements des politiciens ne seraient pas
acceptés par les citoyens. Un tel cas de cette figure pourrait être traduit par
exemple par un manque de politique sérieuse de participation citoyenne, démarche
pourtant revendiquée par la population. Un facteur exogène pourrait consister,
à titre d’illustration, dans les contraintes d’un plan sectoriel logement
imposées par l’État aux communes, sans
possibilité de recours par les autorités politiques communales. Il peut exister
évidemment des situations mixtes où des facteurs endogènes et exogènes sont
mélangés. Ainsi, si le ministère de l’éducation impose un contingentement des
heures d’enseignants selon le volume des classes (= facteur exogène par rapport
à la politique communale), la commune met sur pied l’organisation scolaire et
vote les enseignants (= facteur endogène). Dans ce sens, on ne pourrait pas
vraiment tenir rigueur à la politique communale en ce qui concerne les facteurs purement exogènes. Néanmoins, la
politique est entièrement responsable (facteur endogène) des décisions relevant
de l’autonomie communale, comme par exemple la décision d’implanter une ZAE sur
son territoire, le choix de l’endroit étant une deuxième phase relevant en
partie de facteurs exogènes (dont les plans sectoriels).
Ces aspects jouent certainement un rôle dans le cas du
referendum, notamment en fonction de l’importance accordée aux objets engagés
(par exemple l’organisation scolaire ou l’investissement communal dans des
infrastructures), des sensibilités personnelles des citoyens à l’égard de ces
objets qui sont finalement le résultat des politiques communales déjà mises en
œuvre ou mises en perspective.
La fusion relève donc à la fois de facteurs endogènes et
exogènes. Ainsi, la position des responsables communaux d’une des 3 communes (par exemple de Fischbach) à l’égard
de la fusion peut être considérée comme un facteur endogène. La position des
bourgmestres des 2 autres communes (de Nommern et de Larochette) peut être
considérée à ce moment comme facteur exogène par rapport à la commune de
Fischbach. Une responsable politique de Fischbach semble avoir dit (si ce n’est
pas le cas, considérez l’énoncé ci-après comme hypothèse de travail) qu’elle
avait recueilli beaucoup de suffrages en 2011, tout en étant connu pour sa
position pro-fusion. Elle ne peut comprendre, dans ce sens, que le score du
referendum ait été en contradiction avec ses suffrages personnels. Si cet
argument semble raisonnable à un premier degré, il souffre cependant de
certaines lacunes. D’abord, en 2011, la fusion n’était pas un sujet de
prédilection, les travaux politiques dans le cadre de la fusion n’ayant vraiment
redémarré (selon certains dires) qu’en 2012 après que les 3 bourgmestres aient
été convoqués par le Ministre de l’Intérieur de l’époque et après que la
commune de Nommern se soit de nouveau ralliée aux discussions. Par ailleurs, un
bourgmestre n’est pas réélu en tant qu’ancien bourgmestre, mais comme
conseiller qui peut éventuellement être proposé/nommé comme bourgmestre par
après. Il semble en plus peu probable qu’un candidat politique soit réélu pour
sa seule position pro-fusion. Il a été vraisemblablement (ré)élu pour d’autres
qualités, ce qui explique aussi l’attitude de certains électeurs qui ne dénient
pas que la politique a fait du bon travail, en-dehors du processus plutôt raté
de la fusion. Cet exemple doit rendre tout simplement attentif à la nécessité
de creuser les explications et de ne pas se confiner à un premier degré
d’explication.
Ce cas de figure théorique rend d’ailleurs attentif à un jeu
politique potentiellement beaucoup plus complexe. Selon certaines apparences,
on aurait pu croire que seuls les 3 bourgmestres étaient les « chevaux qui
tiraient la charrette de la fusion ». Mais une matrice théorique d’analyse
montre qu’un jeu de forces politiques sous-jacents était aussi possible, la
position des bourgmestres n’étant que la « pointe de l’iceberg ».
Mais il est fort possible que les bourgmestres aient dominé le débat par leurs
démarches en l’orientant dans le sens voulu.
Matrice théorique :
Supposons encore que les conseils communaux des 3 communes
auraient fait un pré-referendum interne anonyme au sujet de la fusion. La
matrice théorique précédente permet d’entrevoir que beaucoup de cas sont
possibles. Un tel referendum anonyme aurait permis d’éliminer les pressions se
jouant au niveau des interrelations entre les membres du conseil communal. Un
système électoral majoritaire est par définition basé sur un jeu de forces entre
personnes.
Inventons une constellation des
scores :
Un tel score interne, sans parler en plus des résultats peu tranchés
lors de l’enquête de 2009, aurait-il conduit les politiciens à proposer un
referendum à la population. Si un tel referendum avait eu effectivement lieu
quand même, malgré ce score ambigu au niveau purement politique, quelles
auraient été les incidences sur un referendum de la population si celle-ci
avait connu le résultat de ce pré-referendum interne. Ce petit jeu théorique
purement virtuel amène une autre question : Une fusion est-elle l’affaire
des bourgmestres, des collèges échevinaux, des conseils communaux ou de la
population ? En fonction de la conclusion, quelle serait la bonne marche à
suivre dans le cycle de vie d’un processus de fusion, de l’idée même de fusion
jusqu’à sa finalisation (en cas de referendum positif)?
L’issue du referendum est redevable d’un ensemble de raisons
et ne peut être réduite à une seule cause. Il ne peut s’agir que d’un faisceau
de causes qui se sont agglomérées par un amalgame de causes individuelles, du
moins surprenant dans son envergure en ce qui concerne la commune de Fischbach
à l’issue du referendum.
Si un « non » majoritaire était possible, un
« oui » de justesse ne pouvait être exclu. Même un « oui »
plus affirmé était aussi réaliste.
L’après-referendum soulève donc beaucoup de questions.
Il est possible qu’une seule raison ait suffit à certains
électeurs pour orienter leur vote et que cette raison ait été suffisante pour
prendre position par rapport à la fusion, dans un sens ou dans l’autre. Ainsi,
il n’est pas exclu qu’un des parents ait opté pour un refus de la fusion parce
qu’il voulait augmenter les chances que l’organisation scolaire reste confinée
dans sa commune actuelle. Il se peut aussi qu’un habitant ait voté contre la
fusion parce qu’il voulait augmenter les chances qu’aucune ZAE ne soit
implantée à Angelsberg.
Mais il se peut aussi au contraire, qu’un électeur ait voté
pour la fusion en se ralliant au lieu commun qu’une commune plus grande permet
de dégager automatiquement des synergies, encore que cet énoncé ne soit
nullement prouvé et maintes fois contredit par la réalité sur le terrain. Des
synergies sont rarement automatiques et nécessitent en principe un long travail
de bénédictin sur le terrain, sur base de méthodologies éprouvées.
Une autre raison, évidemment hypothétique à ce stade de
réflexion, pourrait consister dans le rejet à long terme (après la deuxième
période transitoire) d’un système électoral proportionnel dominé par un parti
conservatoire (extrapolation des dernières élections nationales) associé
peut-être à la prédominance d’une ancienne commune avec un caractère plus
citadin par rapport aux 2 autres communes plus typiquement agricoles.
Il se peut aussi qu’un électeur ait un nombre restreint de
raisons suffisantes pour voter contre la fusion : organisation scolaire +
ZAE + qualité de vie dans une petite commune rurale conviviale + autres raisons.
Mais il est tout aussi possible qu’un électeur ait examiné
aussi objectivement que possible (à ses yeux) tous les avantages et
désavantages potentiels d’une fusion sur base d’un brainstorming personnel et
que les désavantages aient eu plus de poids à ses yeux (voir modèle de la grille d’évaluation publié sur le blog). Le
contraire était tout aussi possible,
sinon même probablement aussi réel, mais dans une moindre mesure si on
considère le score du referendum (24 % de oui seulement).
Les raisons peuvent donc être multiples.
Si la (les) cause(s) évoquée(s) semble(nt) plausible(s) pour
l’antagoniste de la fusion, puisqu’il avait sa(ses)raison(s) pour son « non »,
tel n’est pas nécessairement le cas pour le partisan. Encore se peut-il que le
« non » lui soit partiellement
compréhensible s’il a examiné les avantages et désavantages d’une fusion et
s’il a jugé que les avantages
prévalaient dans leur ensemble. Une telle approche lui aura au moins permis de se
rendre compte qu’il n’y a pas que des avantages lors d’une fusion. Mais il est
aussi théoriquement possible qu’un antagoniste se soit penché exactement sur
les mêmes avantages et désavantages qu’un partisan, mais qu’il ait pondéré
autrement leurs poids parce qu’il a trouvé les arguments contre une fusion plus
lourds et plus pertinents dans leur ensemble. Tout revient à une affaire de
préférences personnelles, chacun ayant ses propres filtres pour juger de la
situation.
Mais il se peut aussi que quelques constats personnels au
niveau du contexte communal conduisent à une ou plusieurs raisons d’un niveau
plus synthétique. Par exemple, le citoyen ne se sent pas suffisamment informé
parce les responsables politiques n’ont pas présenté un modèle convaincant d’une
future commune de fusion et parce qu’ils n’ont pas répondu à certaines
questions précises. L’électeur peut « agglomérer » ces constats dans
les réflexions suivantes : Les responsables ne se sont pas donné la peine,
à ce stade, d’élaborer un tel modèle de la future commune et vendent du
« vent » au citoyen. Ceci
pourrait aussi conduire à l’induction d’un manque de confiance dans les
compétences de gestion des responsables communaux de la future commune de
fusion (si c’étaient encore les mêmes en 2018 qu’aujourd’hui). Ou encore, le
citoyen pense qu’un tel modèle existe bel
bien mais que les responsables politiques actuels ne veulent pas le divulguer
parce qu’il serait peut-être défavorable à une issue positive du referendum. La
réflexion sous-jacente serait qu’il y a « anguille sous roche »,
conduisant de nouveau au constat d’un manque de confiance. Ou le citoyen peut
encore penser que les politiciens sont incapables d’élaborer un tel modèle (ce
qui est la raison de ne pas en avoir élaboré un et par conséquent de ne pas
pouvoir en présenter un au moment du referendum), ce qui ne laisse présager
rien de bon pour le futur (en ce qui concerne les compétences nécessaires des
politiciens en 2018) pour la gestion d’une future commune de fusion (« vom
Regen in die Traufe »). Ces réflexions ne sont évidemment que des
conjectures théoriques pour montrer qu’il peut y avoir des mécanismes
psychologiques sous-jacents bien complexes. Mais ces mécanismes peuvent jouer
aussi bien dans le sens contraire, en faveur d’une fusion.
La vie communale se joue sur bien des plans.
La situation avant le
referendum :
- Un citoyen a aujourd’hui des attentes /demandes vis-à-vis de la politique. Ces exigences sont plus ou moins satisfaites, soit à un niveau supportable, soit à un haut niveau. Le politicien veille, dans la mesure du possible et du raisonnable, à satisfaire les attentes et demandes du citoyen si elles sont légitimes. Dans ce cas, la politique se trouve dans une attitude d’écoute de ses citoyens (« bottum-up »).
- Cependant, le politicien peut aussi réaliser des objets sociaux qui n’ont pas été sollicités par le citoyen. Le citoyen va juger de l’utilité/nécessité et qualité de cette offre. Dans ce cas de figure, la politique adopte une attitude « top-down », le citoyen « subissant » plutôt une décision politique avec toutes ses conséquences.
- Un citoyen va peut-être aussi formuler des attentes/demandes à réaliser dans le futur. La politique va évaluer la légitimité et l’utilité de ces exigences et, selon le résultat de ces réflexions, va les réaliser dans une certaine mesure ou totalement.
Selon l’état d’avancement de ces
actions ou du refus politique d’en entamer certaines, le citoyen est plus ou
moins satisfait du travail de la politique ou, au contraire, plus ou moins
déçu.
Le citoyen va donc se créer une
certaine image de la politique actuelle en fonction de ces jeux politiques et
va véhiculer cette image comme input dans le contexte des discussions d’une
potentielle fusion en faisant un certain nombre de constats personnels :
- La politique a agi raisonnablement (ou non)
- La politique a agi en bon père de famille (ou non)
- La politique a été à l’écoute du citoyen (ou non)
- Le citoyen peut estimer faire confiance à la politique (ou non)
- Le citoyen attribue une crédibilité suffisante aux politiciens à moyen et long terme (ou non)
- La politique a une attitude prévoyante et prend les mesures nécessaires (ou non)
- Etc.
La situation autour du
referendum dans le contexte de la fusion :
Le citoyen va donc importer son vécu et son image de sa
commune de résidence dans les considérations sur l’opportunité d’une fusion. Il
va devoir juger si une fusion lui apporte des plus-values en termes de qualité
de vie ou non. Il va aussi analyser dans quelle mesure une fusion va lui
apporter des désavantages par rapport à la situation actuelle et quelle sera
l’ampleur des conséquences de ces désavantages au niveau de sa propre personne.
Il devra par ailleurs comparer les plus-values et les désavantages pour voir
quelle tendance va prédominer lors de son vote. Pour ces raisons, il ne pourra
s’appuyer que sur les promesses faites par la politique en ce qui concerne la
future commune de fusion. Ces promesses devront donc avoir un contenu convaincant. Le citoyen va en
plus évaluer dans quelle mesure il peut faire confiance aux politiciens pour la
réalisation de ces promesses (en comparant et extrapolant dans ce cadre leurs
comportements adoptés dans le passé). Mais il va aussi évaluer dans quelle
mesure ces promesses politiques sont réalistes et opportunes et dans quelle mesure il estime les compétences
des politiciens suffisantes pour relever ces nouveaux défis. Chaque citoyen le
fait à sa manière parce que tous les citoyens ne peuvent pas être pressés dans
un moule unique car différant fortement entre eux en ce qui concerne leur
personnalité, leur situation personnelle dans l’environnement communal ainsi
que leurs attentes actuelles et futures envers la politique communale.
Si le résultat du referendum est un simple « oui »
ou « non », le chemin pour ce résultat est donc fort complexe au
niveau de chaque individu, mais aussi au niveau de l’agglomération des
attitudes individuelles pour parvenir à un tel résultat global en noir et blanc
(c’est un oui ou un non). On va essayer ci-après de faire un inventaire de
certaines propriétés (inventaire qui est loin d’être exhaustif) pour montre la
complexité de la constitution du résultat du vote. Le but est évidemment de
montrer qu’on ne peut soumettre le résultat à quelques raisons simples et réductionnistes
(xénophobie, ZAE et qualité de vie, organisation scolaire, etc.).
Ceci nous conduit donc à un autre aspect de l’analyse des
résultats, à savoir les données démographiques des électeurs dans leur
ensemble, mais aussi les caractéristiques psycho-socio-professionnelles des
électeurs sur le plan individuel et de groupes sociaux de toutes sortes. Un
agriculteur de Nommern ou de Fischbach voit probablement la fusion d’un autre
œil qu’un épicier de Larochette, chacun pour des intérêts, attentes et raisons
personnelles différentes. Les attentes envers la commune, actuelle ou fusionnée
en perspective, sont très variées pour chaque électeur et conditionnent sa position
en ce qui concerne une future fusion potentielle.
Il est donc utile de faire au moins un embryon d’inventaire des
variables explicatives possibles des résultats d’un vote, sachant que cet
inventaire ne peut être exhaustif car fondé sur une base plutôt intuitive. Cet
inventaire est aussi bien théorique que spéculatif sur base des discussions autour
de la fusion. Mais seule une analyse scientifique par des spécialistes pourrait
donner une explication tant soit peu plausible avec une certaine probabilité
d’une interprétation correcte.
L’exercice est quand même utile pour bien des raisons et
permettra peut-être à certaines
personnes de trouver un embryon de réponse à leur questionnement. Mais comme le
score du referendum semble même assez surprenant sur un plan national par
rapport à d’autres fusions communales déjà réalisées, il pourrait être utile
que le département politique de l’Université de Luxembourg fasse une recherche
à ce sujet. Une approche possible pourrait consister dans une enquête
qualitative basée sur les données démographiques et socioprofessionnelles ainsi que sur les sujets et sensibilités
autour de la fusion, en posant évidemment les bonnes questions (ce qui est une
affaire de spécialistesen la matière et ce qui n’est pas évident a priori).
La catégorisation des variables n’a aucune prétention d’être
scientifique, mais est issue des réflexions (élucubrations) d’un électeur qui
essaie d’ordonner ses pensées pour trouver des réponses tant soit peu
plausibles, en ayant recherché cependant une certaine inspiration sur base des
données méthodologiques recueillies sur Internet. Cette tentative a aussi pour
but de contrecarrer peut-être une tendance réductionniste (faisant un peu
partie de la nature humaine et correspondant dans une certaine mesure au
précepte de gestion KISS =keep it
simple, stupid = ne complique pas les choses : cependant, les choses sont
rarement simples et les gens ne sont pas stupides) dans une tentative
d’explication ou de justification personnelle, cette dernière évitant ainsi de
se mettre soi-même en cause, du moins partiellement. On a en effet l’impression,
peut-être à tort, que ce dernier cas semble être actuellement assez présent au
niveau de certaines personnes. Mais ces réflexions méthodologiques devraient
aussi inciter la politique à faire une (petite) introspection sur le plan
individuel et de ne pas sauter sur les premières explications exogènes réductionnistes
présentées dans les éditoriaux de
certains quotidiens, les mettant d’office hors cause sur le plan personnel dans
la constitution du résultat. Il ne faut pas oublier que la fusion a été en
quelque sorte « personnifiée » par les 3 bourgmestres et que leurs
attitudes, comportements, agissements, promesses et politique d’information ont
eu certainement des incidences/conséquences sur le vote.
Dans ce dernier contexte, il faut peut-être aussi soulever
une autre hypothèse de travail possible. Le citoyen, en dehors des démarches
administratives normales, peut se trouver dans des situations plus délicates,
nécessitant éventuellement une discussion avec les responsables communaux et pouvant
aboutir à un conflit (par exemple dans des interprétations du règlement de
bâtisses ou autres aspects). Si les autorités politiques sont obligées de
trancher parce que le contexte légal n’est pas très clair (autrement il n’y
aurait pas de jurisprudence), le citoyen peut éventuellement considérer la
décision politique comme injuste et/ou inéquitable par rapport à certaines
décisions concernant d’autres citoyens s’étant trouvés dans une situation
analogue. Cette décision est en quelque sorte personnifiée par le collège
échevinal ou même par le bourgmestre tout seul (dans le contexte de la police
des bâtisses par exemple). Ce genre de situations pourrait aussi expliquer une
partie du score. En effet, on ne peut pas supposer que ce genre de décisions politiques
ait été toujours pris en toute harmonie. Il est plus probable qu’une des
parties, souvent le citoyen, se sente un
peu plus lésée que l’autre. Pour autant que ce genre de situations ait été
assez fréquent dans le passé, ce fait pourrait avoir eu une influence sur le
score du referendum, quel que soit la légitimité de la décision politique.
Finalement, ce qui entre en jeu est le (res)sentiment subjectif du citoyen,
même s’il a eu éventuellement tort sur le fond de l’affaire, ce qui n’est cependant pas nécessairement le cas. Mais le
citoyen est d’autant plus sensible à ce genre de situations s’il juge avoir éré
traité injustement.
À l’inverse, on ne peut rejeter a priori et de manière
générale, le fait que certains citoyens n’excluent pas l’hypothèse qu’un clientélisme politique, même
partiel, afin de satisfaire certains citoyens d’une manière privilégiée, en
appliquant peut-être avec moins de rigueur certains règlements. Les quotidiens (et
le « Nol op de Kapp) ne font cependant pas de cadeau à la politique s’ils
croient découvrir de tels cas. Cependant, si un tel clientélisme était d’un
usage courant et régulier, la commune concernée serait tombé depuis longtemps
dans l’anarchie car les règlements normaux ne seraient plus respectés. Par
ailleurs, il y aurait toujours de bonnes âmes attentives (pas à tort si tel
était le cas) pour relever publiquement ces dérapages. Cependant ce genre de sentiments pourrait aussi avoir joué
dans les considérations de fusion.
L’ensemble des caractéristiques individuelles d’une
personne, contribuant à façonner dans une certaine mesure sa personnalité,
peuvent prendre, dans le cas du vote, un certain sens en fonction de ses
attentes envers la commune et en fonction des futures promesses que la commune
formule à l’égard de ses citoyens. Ainsi, une famille, ayant à charge des
enfants en âge de scolarisation, évalue tout autrement les énoncés au sujet de
l’organisation scolaire qu’une personne âgée qui n’a jamais eu d’enfants. Par
contre, une personne âgée, handicapée dans une certaine mesure et vivant tout
seule dans sa propre maison, sera beaucoup plus sensible aux aménagements
publics concernant certains handicaps et aux services offerts aux seniors par
la commune. Aussi un débat autour des places de jeux publics va probablement
peu intéresser cette personne. Une enseignante habitant la commune de Fischbach
et ayant des enfants en âge de scolarisation évalue les plus-values d’une
fusion autrement que le patron d’une PME implantée dans la commune et voulant
développer ses affaires. Pour l’épicier de Larochette, la situation d’une
fusion communale est probablement différente par rapport à un gros exploitant
agricole (dont la succession serait en plus assurée).
En fonction de ses caractéristiques, une personne peut aussi
poser des exigences environnementales (sujet de plus en plus préoccupant) à sa
commune et juger dans quelle mesure sa commune actuelle ou une commune de
fusion peut satisfaire ses attentes par la politique mise en œuvre. Ainsi, un
habitant de la commune de Fischbach peut désirer une commune rurale calme, sans
trop de trafic (dangers de circulation minimisés) parce qu’il veut pouvoir
jouir en compagnie de ses enfants d’une nature intacte sans nuisances au point
de vue écologique. L’hôtelier de la commune de Larochette au contraire cherche
à attirer un maximum de touristes, engendrant un surplus de trafic, afin
d’avoir un taux d’occupation viable pour son établissement.
Les variables ayant pu avoir influencé les électeurs pourraient
être déclinées de la manière suivante :
Variables
démographiques individuelles, dont aussi socio-professionnelles
- Âge
- Stade du parcours de vie citoyen :
a.
En scolarisation
b.
Actif
c.
Retraité
d.
Autre ?
- genre (sexe)
- religion
a.
pratiquant / non pratiquant
b.
athée / agnostique
- statut marital : marié / divorcé / en instance de divorce ou de séparation / couple sans être marié /autre
- bien-être économique / revenu
- composition du ménage / Charge :
a.
D’enfants
i.
Avant-primaire
ii.
Primaire
iii.
Post-primaire
iv.
Autres ?, comme par exemple un enfant
adulte en chômage
b.
D’autres personnes
i.
Parents
ii.
Autres membres de la famille
iii.
Ami en détresse
iv.
Etc.
- classe sociale, pour autant que cette notion ait gardé un certain sens de nos jours
- Nationalité
a.
Autochtone de souche
b.
Luxembourgeois naturalisé
c.
Étranger/immigré (européen ou non-européen)
et/ou demandeur d’asyle
d.
Autre ?, par exemple apatride
- Statut d’actif /d’inactif : Salarié / indépendant / employeur / chômeur / rentier vivant des fruits de son patrimoine / retraité / conjoint qui ne travaille pas pour pouvoir prendre en charge l’éducation de ses enfants / autres ?
- Formation scolaire en cours, facteur concernant notamment les élèves plus âgés (droit de vote à 16 ans ?) et les étudiants en principe majeurs, ces catégories ayant peut-être un certain intérêt pour les affaires communales
- Propriétaire du logement / location de l’habitation (un habitant en location est probablement moins lié à sa commune de résidence qu’un propriétaire)
- Durée de résidence dans la commune, encore que la fixation de catégories de durée soit plutôt aléatoire. Cette variable peut être à la base d’un sentiment d’appartenance / d’identification plus ou moins fort :
a.
Habitant de souche (habitant né dans la commune
et ayant toujours vécu jusqu’ici dans la commune)
b.
Résidence assez longue dans la commune (10, 20.
30 ans ou même plus)
c.
Résidence plus récente : moins de 5
ans ?
- Tendance / adhérence politique
- Autres
Variables concernant
la commune de résidence :
- Variables géographiques
a.
Prépondérance rurale ou plutôt citadine
b.
Ressources naturelles disponibles
c.
Liaisons routières convenables en bon état
d.
Surcharge (ou non) du trafic
e.
Transport public adéquat
f.
Contexte géographique permettant une qualité de
vie
g.
(Naturpark Mëllerdall)
h.
Configuration géologique (plateaux, forêts, vallées, etc.)
i.
Situation urbanistique dans la commune
j.
Etc.
- Variables environnementales
a.
Air peu pollué (ou non)
b.
Eau potable de qualité (ou non)
c.
Bruit (ou non)
d.
Nature intacte et accessible aux visiteurs (ou
non)
e.
Exploitations agricoles préservant la nature (ou
non)
f.
Diversité biologique (ou non)
g.
Biotopes préservés (ou non)
h.
(Naturpark Mëllerdall)
i.
Promotion et support des énergies renouvelables
(ou non)
j.
Conseils écologiques (ou non)
k.
Veille / suivi écologique par les autorités
communales
l.
Autres
- Variables économiques
a.
Situation financière de la commune à court,
moyen et long terme (dette actuelle, réserves financières, projets et dépenses
financières à moyen et long terme, perspectives de recettes, etc.)
b.
Développement économique avec une bonne
intégration des entreprises dans le tissu communal
c.
Potentiel et projets pour augmenter les
activités économiques sans nuire à la qualité de vie des citoyens
d.
Demandes des entreprises implantées sur le
territoire communale dans le contexte du potentiel de développement de leurs
activités économiques et la pertinence de cette demande en fonction des offres
des communes limitrophes
e.
(Naturpark Mëllerdall)
f.
autres
- Variables culturelles
a.
Vie associative riche
b.
Offre des événements culturels
c.
Offre sportive
d.
Offre de loisirs
e.
Mixité culturelle et intégration des différentes
nationalités
f.
Qualité de l’offre des locaux communaux à
disposition du citoyen (locaux pour jouer au théâtre, local de rencontre
informel, etc.)
g.
(Naturpark Mëllerdall)
h.
autres
- Variables politiques / communales /satisfaction des attentes du citoyen
a.
Système électoral (actuel et potentiellement
futur)
b.
Adhérence politique éventuelle de l’électeur
c.
Degré de participation citoyenne
d.
Politique d’information du citoyen
e.
Horaires d’ouverture des guichets
f.
Qualité des services communaux offerts
g.
Equité, égalité de traitement du citoyen (par
exemple dans le cadre du PAG/PAP, autorisations de bâtir, etc.)
h.
Règlements communaux convenables dont le règlement des bâtisses, etc.
i.
Sécurité routière
j.
Protection du citoyen / prévention criminalité
k.
Offre et organisation scolaire, qualité de
l’enseignement et prise en charge des enfants
l.
(Naturpark Mëllerdall)
m.
autres
- Equipements / infrastructures communales
a.
Eau potable de qualité (installations de
traitement, zones de protection) / sécurité de distribution
b.
Niveau des impôts et taxes communales convenable
c.
Réseaux de qualité (eau, électricité,
canalisation, réseaux de communication, etc.)
d.
Degré de qualité de l’entretien des chemins et
surfaces vertes communales
e.
Infrastructures accessibles aux handicapés et
seniors
f.
autres
- Autres variables ?
Toutes les variables
retenues dans le cadre de l’analyse, pouvant et devant être combinés dans des
clusters significatifs, pourraient être représentées dans une matrice
multidimensionnelle finalement plutôt complexe.
Sur base de l'énumération de ces variables, on pourrait "construire" à titre d'exemple un électeur fictif et se demander dans quelle mesure son profil va influencer son vote.
Le profil de cet électeur virtuel pourrait être le suivant : 38 ans, actif et salarié dans une banque, de sexe masculin, athé, en instance de divorce, revenu assez élevé, un enfant dans le précoce et 2 autres dans le primaire, de nationalité française, habite dans sa propre maison (unifamiliale) depuis 5 ans, tendance démocrate, dispose d'une voiture pour aller travailler, préfère un cadre de vie rurale calme, a un certain souci écologique dans son mode de vie, ne s'intéresse pas à la situation financière de la commune, dispose de peu de temps pour s'investir dans la vie culturelle et politique.
Objets communaux mis en
cause dans les discussions / événements autour de la fusion
1. Objets traités autour des « workshops
(sujets définis par la politique)
a.
Agriculture
b.
Forêts
c.
Protection de la nature
d.
Développement économique
e.
Aménagement communal
f.
Mobilité
g.
Vie sociale
h.
éducation
i.
Vie associative et culturelle
2. Objectifs/offre des responsables politiques dans le cadre de
la fusion (argumentation du dépliant distribué par les autorités communales)
a.
Promesse d’efficacité des services communaux
proches du citoyen
b.
Promesses d’infrastructures modernes pour
l’école, les sports et les services communaux
c.
sécurité d'approvisionnement en eau potable;
d.
développement économique en accord avec
l'environnement et les ressources naturelles
e.
préservation de l'attrait de notre région pour
les petites et moyennes entreprises, ainsi que pour les commerces et les
services (banques, postes, etc.)
f.
promotion d'un tourisme de qualité;
g.
nouveau concept pour la commercialisation de
produits régionaux;
h.
développement de concepts d'urbanisation
communs, adaptés à l'environnement rural
i.
concepts et initiatives tendant à réduire le
trafic;
j.
diversité culturelle.
Signalons que ces
objectifs sont aussi valables en dehors de toute considération de fusion et
qu’il ne faut pas attendre une fusion pour travailler à leur réalisation. Si
les responsables attendent une fusion pour mettre en œuvre les moyens pour leur
réalisation, ils n’ont pas géré leur commune en « bon père de
famille » (attitude réactive en fonction des situations de gestion) et
d’une manière prévoyante (attitude proactive en étant sensible aux changements
potentiels) .
Une autre approche
heuristique, cependant mineure, pourrait consister dans l’analyse des
consultations du blog du groupe de réflexion.
Ce blog comporte 51 articles, en dehors des onglets
méthodologiques et explicatifs (partie « orange »).
Les articles ont été consultés 2549 fois. Encore faut-il
insister sur le fait que les articles rédigés en réaction aux publications des
medias ont été consultés 897 fois, ce qui fait 35 % des consultations. Il faut encore
relever que 4 de ces articles ont été mis sur le blog après le referendum. Les
plus grandes réactions ont été suscitées par l’article de Charles Kieffer dans
le Wort, paru après le referendum.
Le record absolu (353 consultations) a été détenu par
l’article (en septembre 2014, donc avant le referendum) concernant un
commentaire au sujet de la conférence de presse des bourgmestres du 12 septembre 2014.
Les articles de fonds ont été donc consultés 1652 fois (65
%), ce qui fait en moyenne 38 consultations par article. Si on considère que le
blog a été consulté par des citoyens de la commune de Fischbach, (pas tous
nécessairement électeurs) et par des lecteurs ne résidant pas dans la commune
de Fischbach, on peut considérer que le blog n’a pas vraiment pu contribuer au
raz-de marée du score négatif. Il faudra chercher les explications du score
plutôt au niveau du « vécu public » autour des discussions concernant
la fusion. Par ordre descendant en importance, les articles essentiellement
consultés ont été les suivants :
- Les conditions de travail du personnel communal : quid en cas de fusion ?
- PAGs : parties graphiques selon disponibilités
- ZAE d'Angelsberg, incidences possibles de considérations / décision du conseil communal de Mersch du 6 octobre 2014
- L'agriculture dans les 3 communes Filano : quid en cas de fusion ?
- Les syndicats de commune : quid en cas de fusion ?
- Analyse des arguments de la politique pour une fusion : Concerne le website de promotion de la fusion FILANO
- La gestion des forêts : quid en cas de fusion ?
- Vie associative : quid en cas de fusion ?
- Déi sougenannten Protestbeweegung (Informatiounsversammlung an der Gemeng Fëschbech)
- La démarche politicienne dans le cadre de la fusion : analyse des phénomènes et non-événements
- Et geet elo duer, a méi wéi engem Sënn (article publié après le referendum)
- Een retrograden Hops no hannen virun den Referendum (article publié après le referendum).
Il faut cependant rappeler que la plupart de ces articles
ont été publiés plutôt récemment, plus proche du referendum.
Voici le classement complet des articles :
Si on analyse les sujets par ordre décroissant de leur consultation,
cette liste se lit sommairement comme suit : rejet xénophobie (après
referendum) – PAG – ZAE – agriculture – syndicats communaux – forêts – vie
associative –participation citoyenne – géologie et géothermie – circuits
touristiques –- développement économique –systèmes électoraux – population
communale - enseignement – taxes et
indemnités –logement – patrimoine communal – eau potable – situation financière
des communes – démarches administratives - impôt foncier et commercial –
commissions consultatives.
Il faut d’ailleurs relever que l’usage des commentaires par
les lecteurs du blog était quasi-existant. Cette situation soulève aussi des
questions, notamment s’il y avait peut-être un certain manque d’intérêt des
citoyens-lecteurs (pour autant qu’ils connaissaient le site) pour un débat
approfondi sur la question. Il est cependant aussi possible probable que le blog
comme support ne leur convenait pas. Mais il se peut aussi que certains ont
jugé le blog tout simplement inutile.
Les consultations des onglets, par ordre décroissant, ont
été les suivantes :
A chacun de tirer ses propres conclusions en ce qui concerne
la consultation des onglets.
Conclusion :
D’une manière générale, on voit que cette énumération des
facteurs explicatifs possibles à partir de ces différentes sources, n’est certainement
pas exhaustive du point de vue méthodologique pour une analyse scientifique.
Elle permet cependant d’entrevoir des amalgames possibles plus ou moins étoffés
et très diversifiés comme base des explications des résultats du vote du
referendum.
Ce n’est pas avec des
explications réductionnistes du score du referendum que la qualité de la
politique communale va augmenter après le referendum.
Réduire les explications autour de l’école centrale, de la
xénophobie, de la ZAE d’Angelsberg et de
quelques autres aspects me semble une approche explicative appauvrissante, indigne
des acteurs de la politique et de certains journalistes, ces derniers n’ayant probablement
pas approfondi le contexte par les recherches professionnelles nécessaires qui s’imposent normalement dans ce métier.
Certains n’ont manifestement pas respecté les préceptes déontologiques de leur
métier.
Mais on pourrait aussi considérer, en attendant une analyse
explicative approfondie des résultats du referendum par des spécialistes, que
le surgissement et la mise en évidence de certains facteurs latents, jamais
discutés jusqu’à récemment (réunions d’informations des citoyens) constituent une
aubaine pour faire redémarrer la vie communale à un autre niveau. Mais pour
cela, il faudrait que tous les acteurs soient de bonne composition et que les
responsables politiques ne se retranchent pas dans une certaine hostilité.
On ne peut que recommander la lecture de l’ouvrage de Rolf
Dobelli : « Die Kunst des klaren Denkens : 52 Denkfehler die Sie
besser anderen überlassen ».